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Chanson de l'automne

Viens, mon amie, viens, c'est l'automne.
L'automne humide et monotone,
Mais les feuilles des cerisiers
Et les fruits mûrs des églantiers
Sont rouges comme des baisers,
Viens, mon amie, viens, c'est l'automne.

Viens, mon amie, le rude automne
Serre son manteau et frissonne
Mais le soleil a des douceurs ;
Dans l'air léger comme ton cœur,
La brume berce sa langueur,
Viens, mon amie, viens, c'est l'automne.

Viens, mon amie, le vent d'automne
Sanglote comme une personne.
Et dans les buissons entr'ouverts
La ronce tord ses bras pervers,
Mais les chênes sont toujours verts,
Viens, mon amie, viens, c'est l'automne.

Viens, mon amie, le vent d'automne
Durement gronde et nous sermonne,
Des mots sifflent par les sentiers,
Mais on entend dans les halliers
Le doux bruit d'ailes des ramiers,
Viens, mon amie, viens, c'est l'automne.

Viens, mon amie, le triste automne
Aux bras de l'hiver s'abandonne,
Mais l'herbe de l'été repousse,
La dernière bruyère est douce,
Et l'on croit voir fleurir la mousse,
Viens, mon amie, viens, c'est l'automne.

Viens, mon amie, viens, c'est l'automne,
Tout nus les peupliers frissonnent,
Mais leur feuillage n'est pas mort ;
Gonflant sa robe couleur d'or,
Il danse, il danse, il danse encor,
Viens, mon amie, viens, c'est l'automne.

Remy de Gourmont, Paysages spirituels, 1898

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