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Un « bon garçon » qui n’en fait qu’à sa tête
Soirée du 1er décembre 2008

Par Pierre Blavin

Il n’existe qu’un livre sur la vie et l’œuvre de Fanon, celui qu’a publié en 1995 Joseph Moalic chez l’éditeur Christian Pirot, intitulé Avec Fanon. De 1987 à 1991, Moalic a suivi de près les activités de Fanon et celui-ci lui ayant confié beaucoup de textes inédits à mettre en forme, il le rencontrait souvent, notamment pour lui montrer son travail. Tous les détails biographiques évoqués dans cette présentation lui sont empruntés.

Dans ce livre, une photo parmi d'autres. Trois hommes dans une rue, sous des arcades. Deux grands, un petit. Tous les trois, dûment cravatés et en complets vestons font les pitres. Les deux grands s’appellent Pierre Perret et Bobby Lapointe. Le petit, c’est Maurice Fanon. Trois potes en bordée... Trois joyeux drilles, chanteurs qui animent les cabarets de Paris dans les années 1960-1970. Ce soir, nous nous intéressons à Fanon.

« Je suis né par le cordon, écrit-il. Quasiment mort. En tout cas parfaitement mauve, ce qui m’a valu de me voir administrer, dès ma naissance, une première raclée la tête en bas pour m’apprendre à vivre la tête en haut. De là je conclus que cette vie que je n’aurais pas dû vivre, si elle n’est certes pas du gâteau, est néanmoins un cadeau, qu’il faut bien vivre et vivre bien.
[...]
Bien que cocu et pas Prévert, je ne suis ni tordu ni pervers. Plus mouche à miel que mouche à ce que vous pensez. je ne fais pas de surenchère à l’estime que je me porte et je n’ai mis ma tête à prix qu’un franc symbolique sur l’affiche des chasseurs de prime de ma « Vie d’Artiste ».
À l’école des petits lardons et des petites lardonnes, je n’ai pas appris grand’chose sinon à écrire, à lire et à compter sans apprendre à en tirer les bénéfices. [...]

Je n’ai pas été un bon élève, mais ensuite je n’ai pas été un mauvais prof. Je n’ai pas été un bon soldat, mais je n’ai pas été un mauvais homme. Je n’ai pas été un bon mari mais je n’ai pas été un mauvais divorcé, comme je n’avais pas été un bon petit mais pas un mauvais enfant non plus. »

Ces lignes sont extraites du troisième chapitre de La Transparente, son premier roman, jamais publié du vivant de Fanon. Le mélange d’appétit de vivre et de lucidité bienveillante qu’on y lit le définit déjà assez bien. Pour l’instant, j’y ajouterai seulement qu’il est né à Auneau, en Beauce au milieu des blés et pas bien loin de la cathédrale de Chartres : le blé, les moissons, la cathédrale mais aussi la vie et la mort des paysans sont des thèmes récurrents ou importants dans son œuvre

Ce « roman » n’en était peut-être pas un, mais quelque chose, comme il l’écrit lui-même dans l’exergue, qui « fait partie de [sa] mémoire vivante ». Et, en effet, en marge de l’histoire tragique de sa rencontre avec une jeune fille atteinte alors d’un cancer incurable et qui mourut à 19 ans, c’est toute sa vie de chanteur des années 1960 et 1970 que l’on voit ici décrite, avec les artistes qu’il côtoyait dans les cabarets et parfois dans de grandes salles. On y voit passer aussi certaines de ses grandes interprètes, Mélina Mercouri, Juliette Gréco. Et beaucoup de soirées arrosées et même une cuite suicidaire qui faillit effectivement lui être fatale, si l’on en croit son récit.

© P. Blavin

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