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Le retour en France
1957-1975

En mai 1957, Saint-John Perse s’installe à Giens dans une maison qui lui a été offerte par un groupe d’admirateurs et d’amis littéraires d’Amérique. Désormais, jusqu’en 1968, il partagera son temps entre l’hiver aux E.U. et l’été à Giens : le poète vieillissant et souffrant porte témoignage sur sa rencontre avec le « grand âge » dans Chronique «... Grand âge, nous voici... » le paysage méditerranéen sert de cadre à la méditation. En 1958, il épouse Dorothy Russel qu’il connaît depuis 1948; la même année, la candidature de Saint-John Perse pour le prix Nobel est évoquée, il l’obtient le 10 décembre 1960.

En 1963, est publié Oiseaux en relation avec le peintre George Braque. Comme celui-ci, Saint-John Perse mène une réflexion sur leur nature profonde, le rapport de l’art au réel : qu’il soit peinture ou poésie, l’art a une fonction cognitive disait le discours du Nobel. A travers une méditation sur le peintre et son art, c’est une méditation sur la création en général et sur la poésie : la vie de l’oiseau est l’allégorie de la vie de la poésie ... ils gardent parmi nous quelque chose du songe de la création...(1968) Chanté par celle qui fut là est dédiée à sa femme, l’évocation personnelle est dépassée pour s’ouvrir à l’humanité entière, l’instant devient éternité... ô mon amour du plus grand songe, mon cœur ouvert à l’éternel.

Le Chant pour un équinoxe en 1971 est l’image d’une réconciliation, le moment de l’alliance entre la Terre et l’homme, l’affirmation toujours renouvelée que la vie va vers son cours, elle peut remonter vers ses sources car elle n’a pas d’estuaire dans la mort.

Les dernières années du poète sont consacrées à la mise en forme de son œuvre en un volume de la Pléiade. Il obtient de déroger à la clause du post mortem et doit étoffer l’ouvrage où la poésie n’occupe que 438 pages. Il y aura donc les Témoignages, la Correspondance, les Notes et la Biographie. L’ouvrage est publié en 1972 et comporte 1420 pages. La Pléiade, unique en son genre, entièrement contrôlée par Alexis Leger/Saint-John Perse, est une œuvre de poésie et de prose, conçue à la gloire d’un poète digne du Prix Nobel. Mais elle est aussi un monument qui célèbre la Poésie.

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On peut préférer ou non la façon dont Perse a rêvé sa vie à celle dont il l’a vécue. Ses défauts et ses petitesses n’enlèvent rien à la dimension de son œuvre. Pourquoi voudrait-on que Saint-John Perse soit seul de son espèce (que l'on songe aux travers de Hugo, à l'image ennoblie de Chateaubriand qu’il donne de lui-même dans les Mémoires d’outre-tombe...), pourquoi la grandeur de sa poésie devrait-elle être garantie par la grandeur de sa vie ?*

*Cf. biographie récente de Renaud Meltz, résumé in Libération du 18 décembre 2008.

© M.-F. Reboul
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