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Souffrance

J’admire qu’un regard ait ce pouvoir en lui
Qu’un homme en fait sa joie ou sa désespérance
Sur qui l’œil souverain de sa maîtresse a lui ;

Qu’une attitude prise avec indifférence
Nous meurtrisse le cœur et le mette aux abois
Comme un gibier sanglant pourchassé dans les bois.

J’admire qu’un hasard de chair et de dentelle
Fasse les grands amants des mots ou des couleurs
Pour garder la mémoire à leurs chères douleurs,
Tâcher d’éterniser sa forme accidentelle.

La femme, fleur de chair que nous couvrons de fleurs,
Pour qui le cœur viril, ou le cerveau pantèle !
Joailliers généreux, nous versons devant elle
Et les rubis du sang et les perles des pleurs.

Paul-Jean Toulet, Premiers vers X, 1889)
Vers inédits

 

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