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Les emblèmes, « dizains compagnons »

Mais la forme des poèmes présentés en dizains de décasyllabes tranchait avec les ballades, les rondeaux et les sonnets que j'avais étudiés jusque-là. Leur chute, souvent inattendue et laconique, renforçait l'effet resserré de la lecture. De même, les textes avaient ceci de curieux qu'ils jouaient avec des gravures. Ces emblèmes qui ornent le recueil présentaient des images étonnantes a priori pour un recueil amoureux comme un âne et un moulin, une chauve-souris ou encore un pot-au-feu. Certains chercheurs en littérature les ont nommés « dizains compagnons » en raison de leur fonction dans l'ensemble de l'oeuvre. Ces bois gravés avaient eux-mêmes une devise qui les illustrait et ajoutait à la compréhension du poème, voire, semblait parfois avoir été tout simplement le prétexte de l'écriture, mais dans certains cas, le rapport pouvait aussi être difficilement compréhensible. Le tout avait donc un aspect assez énigmatique et interrogeait réellement le jeu de l'écriture et le rapport entre image et texte.

CCLXXVI

 

« En ma joie douleur. »

Voyez combien l'espoir, pour trop promettre,
Nous fait en l'air, comme Corbeaux muser ; ,
Voyez comment en prison nous vient mettre, ,
Cuidant nos ans en liberté user*,
Et d'un désir si glueux abuser,
Que nous ne pouvons de lui nous déssaisir. ,
Car pour le bien que j'en ai pu choisir,
Sinistrement élu à mon malheur, ,
Où je pensais trouver joie et plaisir, ,
J'ai rencontré et tristesse et douleur.

* Cuidant ... user : alors que nos ans cuident* (croient) en liberté user.

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Barbara Pillot, Maurice Scève, La Délie, invitation à un parcours poétique choisi, 4/7.

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