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Le jardin

Il voulait, pauvre enfant, qu’on lui fît un jardin
Qui serait bien à lui, loin du monde moderne
Où le bonheur le fuit dans son image terne.
Il serait là, tout près, juste au bout du chemin.

Solitaire, un matin, marchant dans le village,
Les yeux lourds et baissés, avec ses petits pieds.
Il frappait les cailloux du bout de ses souliers.
Quand il sentit peser un regard d’un autre âge.

« Tu sembles malheureux, lui dit un bon vieillard.
Il faut me raconter ce qui te rend morose.
Car peut-être après tout, n’est-ce que peu de chose.
Un certain vague à l’âme, un nuage, un brouillard. »

« Oh ! non, dit le petit, je cherche un lieu de rêve,
Un endroit pour jouer qui soit mon paradis
j’y verrais les oiseaux, le printemps qui verdit,
Les étoiles la nuit et le jour qui se lève. »

« C’est un magicien que réclame ton cœur,
Répondit le passant. Viens, emprunte ma route,
Regarde autour de toi, surtout chasse le doute
Et ce qui t’environne abolira ta peur. »

« Quand tu vois la colline au fond de ta prunelle,
Sache la conserver ; embrasse la forêt,
La prairie ou le lac, exalte leur attrait
Fixé dans ta mémoire et ne sois plus rebelle. »

« Merci, dit le petit, grâce à vous, j’ai compris
Où ce cache, discret, ma plus belle richesse :
Dans mon cœur qui recrée, apaisant ma détresse,
Un Eden attendu, que les hommes m’ont pris. »

Pierre Blondel
Extrait de « Quatuor »

© Pierre Blondel
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