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Le vieux rafiot

Je ne suis pas parti d'un quai
Car je ne suis qu'un vieux rafiot.
De rouille mes flancs sont masqués,
Je flotte encore mais je prends l'eau.
Moi qui m'attendais à mourir
Seul, dans un coin de ce vieux port,
Ils m'ont dit "tu vas repartir"
Et m'ont chargé de mille corps.
A bord, ils ont mis des enfants,
Hommes, femmes et chiens errants
Qui croient à la terre promise
Par ces convoyeurs qui méprisent
Le cœur au profit de l'argent.
Mais où va donc ce chargement ?
Moi qui suis déjà épuisé
Luttant contre vents et marées
Depuis déjà bien trop de temps
Où déposer ces pauvres gens ?
Je sens que mes forces faiblissent
Priant pour que ma coque glisse
Vers une plage ou des rochers.
Je pourrai alors me coucher
Afin de pouvoir débarquer
De mes flancs tous ces émigrés.
La terre sera-t-elle meilleure ?
Y trouveront-ils le bonheur ?
Sans papier, sans argent ni pain,
Je dois tenir jusqu'à demain.

Françoise André-Bisson
16 novembre 2003

© Françoise André-Bisson
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