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Autour d’un portrait

Madame que j'ai tenue entre mes bras le temps de vous emporter là où je vis dans la bienveillance de quatre fenêtres, je vous ai posée sur un divan, calée à l'aide de trois coussins et j'ai compris que celui ou celle qui entrerait chez moi ne reconnaîtrait que vous.

Vous n'êtes plus là, je vous ai remise à celui à qui je vous destinais, je n'avais pas mesuré le désarroi qui me viendrait de vous perdre déjà. Je vous avais dédié ce dont j'encombre ma portion d'univers, les miroirs qui agrippent le ciel pour mieux négocier avec lui, les murs sur lesquels il s'imprime et les tentures croulant sous des fleurs de mondes différents, les marées inassouvies de livres ravinant leurs étagères, une grammaire de tables et de tabourets, les lampes, alliées obligées des miroirs.

Vous n'êtes plus là.

Trois coussins amoindris que je n'effleure plus ne garderont aucune empreinte de vous, vous n'aurez été qu'un visage et des mains. Madame, quand vous reverrai-je et vous reverrai-je d ans I a fenêtre d'un rêve peuplé d'être dont on ne saurait mettre en doute la loyauté. Et votre visage cet ovale de noyau d'abricot, les amorces de vos seins, mi-orbes, utopies virginales, Madame que je ne puis plus qu'appeler, que nommer

Madame.

Marie Ordinis

© Marie Ordinis
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