 
 
 Je voudrais te donner Je voudrais te donner tout ce que je n’ai pas 
Tout ce que je n’ai plus, la moitié de mes pas 
Sous la semelle usée des chemins parcourus 
Et des soirs fatigués, à peine disparus 
De ma mémoire longue... Oh je voudrais encor 
Te donner ma raison, et ce dernier accord 
Sur la guitare bleue de Lorca, chaque cri 
Sous l’aile-lyre des oiseaux qui ont écrit 
Dans la marge du ciel les poèmes du vent 
En graffitis de brume... Et la nuit qui se fend 
Dans sa petite mort, sous la tuile brisée 
Du matin meurt encor, à peine reprisée 
Comme ce drap de lune étendu aux fenêtres 
Du désamour... Je sais les songes qui pénètrent 
Le temps d’avant le temps. Je voudrais te donner 
Ce que je n’ai pas, moi qui n’ai su pardonner 
A personne le mal de l’enfance ... Je crois  
Que l’âme forge au cœur, sous de lointaines croix,  
L’écriture à venir... J’entends monter le jour,  
Je voudrais te donner ce qu’il reste d’amour, 
Ce dernier souffle avant la fin, l’aile géante 
De l’albatros blessé dont Baudelaire chante 
La mémoire et la mer... Un parfum de bohême 
Pique les yeux cernés de mon dernier poème 
Tandis que Léo dort dans l’alcôve du monde. 
Thierry Sajat 
© Thierry Sajat			 |