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L’étoile au cœur

À mon cousin Roger SARFATI et à ses parents assassinés par les nazis d'AUSCHWITZ-BIRKENAU.

Mil neuf cent quarante deux...
...six ans...
Il faut porter l'étoile
Jaune safran, six branches
(Une par année de vie),
Sur la veste de toile,
Le manteau synthétique...
L'emblème de la honte,
Le regard pathétique,
Le rouge au front qui monte
... Quatre petites lettres noires
À l'écriture tremblée.
L'Histoire de tout un peuple
En cette période troublée...
En grille horizontale
MONSTRE, en quatre lettres...
Définition banale
JU-IF, race de traîtres...
Rafles,
Dénonciations,
Protestations,
   Arrestations,
      Vérifications,
      Transfert...
         Bruit lancinant
ENFER...
Bruit lancinant
   Des boggies,
      Boogie-Woogie...
Wagons bondés
   Wagons plombés...
Rythme lourd, obsédant,
Régulier, incessant...
Odeurs d'hommes, de l'angoisse,
De la peur, de la crasse...
Voyage interminable
Vers la fin implacable...
Enfin le train s'arrête...
Cris poussés à tue-tête.
Coups de fouets
Coups de poings
Bousculades
Hurlements.
Nous sommes face à la porte,
... Climat de ville morte.
AUSCHWITZ-BIRKENAU
Sitôt passée l'entrée,
L'infâme tenue rayée...
Et pour nous, pas de deuil
Ni couronne, ni cercueil.
Pour notre heure dernière,
Sans regard en arrière,
Tête basse, bref coup d'œil :
Souliers rangés au seuil,
La tenue déposée,
Soigneusement pliée.
La chambre au gaz mortel.
Notre dernier Noël...
Et c'est l'ultime idée forte
Ici, on entre par la porte,
Mais l'épreuve n'est pas terminée,
On sort PAR LA CHEMINÉE... 

Paru dans L'Étrave, n° 126, mai-juin 1990
Claude Mercutio

© C. Mercutio

 

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