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Auguste

La masure parmi d'autres, au fond de l'impasse
La petite cour pavée, la remise, l'écurie,
La carriole qui laissait à mes jeux peu de place
Furent souvent sur la route de mes premiers jeudis.

Après le portail grinçant et lourd à pousser
Mirza nous fêtait et Pompom hennissait.
Du haut de ses trois marches, lui se tenait muet,
Céleste, sous sa moustache en poils de sanglier.

Dressé comme l'« I », l'être majestueux
Sur son perron trônait telle majuscule,
À peine si ses doigts effleuraient mes cheveux
Point trop d'effusions s'écoulaient de cet Hercule.

Une cote de bougnat, couronné d'une gaffe
L'impérial arpentait les sentes de Saint-Ouen
Le métier de liberté était son gagne-pain
Chiffonnier au chagrin, il œuvrait dans la biffe.

Dès potron minet, l'Auguste roulait carrosse
Essorant les trottoirs de trop chiches richesses
Et comme du monde du rebut il était tributaire
De ses maigres moissons, j'aimais faire l'inventaire.

Droite silhouette oubliée des lumières
À l'orée des Puces, l'illettré de la voie sans issue
Ne m'a jamais conté les ombres de sa misère.
Grand-père, dans son silence, était mon roi... presque nu.

Christian Debraize Perrard

© Ch. Debraize Perrard
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