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Sextine d’automne

À Thérèse Revon

Les vendanges sont achevées, les feuilles tombent. L'amour
cherche son abri. Plus de peau dorée, de rire
D'été, de corps bronzé. Le soleil, en échec,
voilé, regarde tristement. Les grives, folles de jalousie
émigrent vers les belles baies de Provence. L'avenir
est de patienter, patienter ; tout mène vers la mort.
Nous devons te rencontrer, Faucheur, Hiver de Mort,
avant que nous puissions retrouver l'amour
de soleil. Ce sera des nuits étiolées dont l'avenir
est toujours incertain, ce solstice incertain. Mais le rire
me réconfort, me caresse, soigne cette cruelle jalousie
en dépit des journées courtes, met mes doutes en échec.
Que diriez-vous si nous jouons aux échecs
pendant cette longue nuit d'hiver ? Le Roi sera mort,
et à celui qui perd : adoucir la jalousie,
puis scellons par un baiser notre amour
qui doit triompher comme triomphe toujours le rire !
Croyez-vous maintenant, douce amie, au triste avenir ?
Demandons à l'hirondelle qu'en est l'avenir
et elle vous réponde que rien ne fut échec,
puisque tout malheur fuit devant un rire
et seul le rire sait maîtriser la mort :
nulle nuit d'hiver ne puisse éteindre l'amour,
y eut-il jamais l'hirondelle prise de jalousie ?
Tu es une chimère, toi, bête de jalousie,
et j'ose te terrasser : fauve, tu n'as plus d'avenir !
Car je te vaincrai avec ma lance d'amour
et je chanterai un éloge à ton échec.
Ce château plein de spectres et de mort
va briller avec la joie, la danse, le rire.
Je vous salue, belle demoiselle. À nous le rire
sera devise, notre arme contre la jalousie
des ingrats qui voient la vie comme mort,
qui se méfient, mélancoliques, de l'avenir.
Myopes, mesquins, vos cavaliers heurtent contre leur échec.
Ils veulent être aimés, nous aimons l'amour.
Notre amour naquit avec un rire,
et ensemble dans l'avenir nous ferons échec
et mat contre la mort. Mort, va, meurs de jalousie !

Ronald W. Kenyon

© 2000, Ronald W. Kenyon, All rights reserved.
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