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Quelle route ?

Le pigeon remonte la rue qu'il a prise à contresens, soit en sens interdit,
il marche seul sans le moindre aide de camp pour escorte.
Ce pigeon est un poète.

Le poulet, lui, traverse la route.
Le pigeon est citadin et le poulet fermier, avec pour échappatoire, pour alibi, la route.
J'ai parfois été enjambée par un poulet, ses frères, sœurs, ses père et mère.
Je dormais sous la véranda, la petite famille campait dans le jardin et me traversait à l'aube,
Tendrement, systématiquement et patte-patte-patte.
Tendreté du poulet.

Le chien veillait, les pintades couinaient, l'oie suveillait, la chèvre et son petit vieux bouc s'entradoraient.
Un jour, à midi, le chien a happé et croqué le dernier de la bande, le poulet-mineur distancié.
Les parents se sont retournés, le coq a beuglé.
Ce faux-cul de chien les regardait dans son pseudo-sommeil. Il n'avait pas mangé le petit dernier en entier.
Le papa-maman-poule, ses frères et ses sœurs l'ont terminé.

Le poulet, je l'affirme, est une créature tendre qui déteste les conflits et les éclats de voix des hommes. Il marche sur la pointe de ses ergots. C'est tout.
Mais pourquoi, Seigneur, ce poulet-ci (ou même ce poulet-là) a-t-il franchi une ligne trop jaune et traversé une route que je n'identifie pas ?
Ô transgressions.

Mon pigeon redescend sa rue, la mienne, cette fois dans le bon sens. Lui n'a mangé personne, enfin personne de sa famille ni de la mienne, j'espère .

Je n'ai jamais mangé de pigeon, surtout pas aux petits pois, puisque que je déteste les petits pois.

Mais mon poulet, mon poulet-à-moi, traversera-t-il... versera-t-il...
sera-t-i-l...
Quant à la route ?
Elle est ce que vous voudriez qu'elle soit avant de vous endormir.
Bonne nuit.

Marie Ordinis

© M. Ordinis, 25 août 2005
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