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Mon rêve volailleux

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'un poulet incongru que j'écris et envoie
À une femme aimée qui me met en émoi
Mais qui ne m'aime pas et point ne me comprend.

Car elle se méprend et mon cœur lourd, saignant,
Pour elle ne cesse pas d'être un noir problème
Et les étonnantes moiteurs de mon front blême
Dans la maison d'en face l'ont fait fuir en pleurant.

Avec ma sarbacane et sans pitié, j'envoie
Le poulet refroidi, qui traverse la rue
Et vient s'entortiller sur sa poitrine nue.
La femme alors sursaute et se pâme d'effroi.
Puis, tremblante et livide et sur son coude appuyée,
Lentement elle lit le billet déplié :

« Ton regard est pareil au regard des statues,
Lointain, indifférent, comme avion dans les nues.
Crains de souffrir un jour comme aujourd'hui je souffre,
Je te vois déjà qui chancelle au bord du gouffre ! »

Pierre Blavin, avec l'aimable collaboration de Paul Verlaine.

© Pierre Blavin, septembre 2000
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