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Pérégrinade de l’émigré

C’était un émigré, venu d’on ne sait où,
Ayant risqué sa vie pour aller n’importe où
Chercher refuge sûr, au moins pour quelque temps,
Quelques heures, quelques jours, quelques mois, quelques ans.

De son pays beaucoup ne connaissaient que peu,
Pour ne pas dire rien. Situé dans un creux,
Dans un vague recoin, quelque part en Asie,
En Afrique, en Orient, ou bien en Saharie.
Destination perdue, pays où les croisières
N’offraient qu’un aller simple, y compris bain de mer.

Il savait dans sa chair ce qu’il avait quitté,
Son cœur était rongé de culpabilité,
Et son âme espérait miracles d’accueillance :
La généreusité et la commisérance,

Ayant embaggagé sa misère avec lui,
Prêt à la partager sans souci de son prix,
Ayant beaucoup marché, ayant compagnonné
Frères en pauvreté, par misère brisés,
Par colère habités, par espoirs tant déçus,
Il vit bien que l’amour des humains n’était plus. 

A la commisérance il devait renoncer,
La géneurisité il devait oublier.
Comprenant que les pleurs pouvaient seuls purifier,
Il partit pleurifier, il partit florifier.

Sur les routes de France qu’il avait percourues,
Sans encontrer l’amour auquel il avait cru,
Il pleura d’émotion sur l’immense trésor
Qui, au bout du voyage, transcendait son effort.

L’amour était bien là, ô racine des choses,
Qui, quoiqu’inanimées, possèdent bien une âme,
Tout autant le chardon que l’immuable rose,
Et de toute sa foi, le poète le clame !

C’était un émigré, venu d’on ne sait où…

© Michel Hugues
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