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Trois pastiches
Détournement de majeurs / Prostitucide / Les contemporains

Détournement de majeurs

(Tournure d’esprit à la manière d’Arletty
et ça donnerait : « J’m’appell’Guéniev, c’est l’nom d’un’Tour ! »)

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant...
Je vais au vent couvert d’orages et tout bruissant
D’une tour dans les nues qui mène où les cieux mènent
Et connais chaque bois où les fées
se promènent
Que leurs cris étouffés rend d’un charme oppressant.

Je suis le Ténébreux, le Veuf, l’Inconsolé...
Je sais l’été, ombreux ou vif, l’an qui s’allait
Le printemps dans la plaine et l’hiver qui pâlit ;
Ma solitude porte aux marches du palais
Les lunes éblouies se penchant sur mon lit.

Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron...
Et j’ai la foi au cœur traversé les quais ronds
Méditant tour à tour sur les lits d’or des fées
Et souvent pris d’absinthe aux si grisants effets 
Luis-je, ou le jour m’abuse ? Suis-je Rê ou Amon ?

Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant.
Offrez-moi cette tour que je frappe à présent
Couvrez ce sein que je ne saurais voir.
Et cachez vos desseins en votre tour d’ivoire,
Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur.
Leur but n’est pas moins noir que le fond de ma tour
J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans.
Et j’ai plus d’avenir que si j’avais cent tours.

Ô Mort, vieux capitaine, il est temps, levons l’ancre !
La mer qu’on voit danser le long des golfes clairs.

Ô tour, vieux capitole, île, étang, le bel antre,
Ô tour qu’on voit pointer au loin des cimes bleues,
Les plus désespérés sont les chants les plus beaux.
Les plus défenestrés sont les tours plus cruels :
La tour sinistre est lasse et veut qu’on la délivre.

Comme je descendais les fleuves impassibles...
Comme je défendais cette tour impossible,
Je ne me sentis plus visé par mes voleurs
De farouches braillards qui semblaient invincibles
Lessivaient de mes murs ces vautours de malheur. 

Elle a vécu, Myrto, la jeune tarentine.
Elle a vaincu, ma tour, le jeu de la voisine,
C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit,
Ma mère Jézabel devant moi s’est montrée...

C’était pendant l’erreur d’une feinte à la tour
Où l’amère citadelle défendait ses tourelles :
Et moi, je lui tendais les mains pour l’embrasser
Mais je n’ai plus trouvé qu’un horrible mélange

Et comme je tendais les bras pour la cerner
Je n’y ai plus trouvé qu’oripeaux et bleus langes.
Je fus alors grisé par mes sens étourdis
On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans
Car on n’est pas sérieux quand on a dix-sept tours !

Ici ont été convoqués/évoqués dans le désordre Baudelaire, Musset, Rimbaud, Molière, Charles Trenet, Verlaine, Nerval, Racine, Chénier, Apollinaire.

©Maryse Gévaudan

* * *

Prostitucide

La très-en-chair, royale, étalait ses appas
À la lueur jaunie d’un tremblant réverbère
Reflétant par éclairs l’or des cuivres berbères
Qui paraient richement sa gorge et ses bras.

En vain elle tentait d’accrocher le passant
Dans cette rue propice aux errements du soir
Porteurs de désirs âpres aux vagues désespoirs
Traînant en relents lourds dans la nuit finissant.

Son esprit repassait les instants triomphants
Où, séduits par ses mines et l’attrait de son ventre
Les hommes empressés la suivaient en son antre.

Mais l’homme a disparu depuis qu’on lui défend
Sous honteux châtiment de fréquenter la Femme.
– Et tous deux sont punis par cette loi infâme.

Charles Dubelair, Les Pleurs du Mâle (Femmes perdues)

©Maryse Gévaudan

* * *

Les Contemporains
Poncifs en pastiches

Poème (édité chez MIdi ou GALLInacée avec le concours du CNL (Centre National du Livre)

La fille à la terrasse qui
buvait son café
moi pendant que je
remplissais d’essence
mon scoot en face
elle est partie je
suis resté
instants non rencontrés

Poème (édité chez P.O.L.ochon avec le concours du CNL (centre National du Livre)

mais comment comment comment comment comment
je ne te le fais vous le ne le faites faites faites faites
pas c’est-à-dire expliquez-vous
c’est sur le toit là-bas
on dirait non c’est rien
voilà à peu près tout près tout près tout

Poème du bon sentiment par le poète qui a du cœur (édité avec ou sans le concours du CNL), recueils que l’on trouve en masse chez les soldeurs)

Que la nature est belle et que l’homme est méchant !
L’homme s’il le voulait élèverait des chants
à la gloire et l’amour de toute créature
pour édifier sur terre la bonne aventure
alors pourquoi les guerres et pourquoi les migrants
si nous sommes tous frères. Mais qui qui le comprend ?

 

Poème RATP (affichage dans les rames du métro)
1er prix :

Le soleil devrait
se lever sur tout le monde.
Parce qu’on a tous droit
à la lumière.
(Jules – 9 ans)

< Comme le reste, ceci n'est pas une citation et Jules est un personnage fictif >


Deux Poèmes de la Douleur du monde sur les épaules du poète (on ne compte plus les recueils)
 

I – Terre
tellurique
oiseau blessé
les griffes de
nos
avidités
dépècent
ta
chair
cathédrale
rosace
à vif
(10 secondes Top chrono)

II – Quand le soleil abaissera-t-il ses cils
sur les secrets desseins de notre art subtil ?
La glace obscure où se maintient le labeur
voit pourtant son reflet au lac des valeurs,
quand,
La solitude des douleurs
égrène les murs –
du silence
sous les soleils de cendre
aucun écho
dans les forêts
aux gouffres...
innommés !
surgit
à travers ! l’écume !
Une plainte a gémi

©Maryse Gévaudan

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