Version imprimable

À parler durant des siècles
Au même coin de terre,
Devenu chêne, j’y avais pris racines.

Mais à nouveau le sol me fut brûlant.
À nouveau je dus me faire marcheur,
Racines aux semelles traînaient sur les chemins,
S’usèrent aux cailloux, aux pavés, au bitume,
Jusqu’à en oublier l’onde des profondeurs.
Plus rien que le présent, et tout juste demain.
Sans autre mémoire qu’une timide étoile,
Indifférent au flot trompeur du temps.

Mais un jour, à nouveau le printemps.
Un printemps qui accouche d’une neuve innocence.
À nouveau, rêve lointain qui prend chair.
Et c’est faute de racines, la peau tendre des pousses,
Qui accroche dans la brise
Comme l’écho d’une ancienne ronde enfantine
De l’origine, l’immuable et pure mélodie

À nouveau.
Jusqu’à la vague déferlante
D’une nouvelle bonne intention.

La route fuit vers le couchant
Sous l’argent gris des nuages.
En marge de sa course
La suivent les vertes prairies,
Le regard nacré d’un reste de l’or du jour.

Or, à l’heure dite,
Le céderont à regret à la nuit.
La nuit qui, magnanime,
En fera don aux étoiles.

Mais l’aurore
Viendra-t-elle réclamer son dû ?

Serge Dinerstein

© Serge Dinerstein
PrécédentSuivant