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Détournement de majeure

Notre langue a perdu en route l’origine
d’un mot qui ravissait les ardeurs pascalines
Né au quinzième siècle et produit financier
en termes de justice il désigne un forfait

Divertir c’est capter une part d’héritage
détourner tout ou part de ce qui par lignage
revient au descendant d’un patrimoine ultime
Le divertissement d’abord illégitime

Le divertissement se barbouille coupable
Il est vol se pratique en dessous de la table
n’est pas dans le courant de pensée toute nue
Il choisit les détours d’un acte corrompu

*

Ne l’a depuis quitté cette péjorative
couleur qui l’apparente aux vilaines dérives
Le droit fil du chemin ne passe par ses bords
quand n’est valorisé que le sens de l’effort

Jumeau de la faiblesse il marque un caractère
Chacun s’y laisse aller mais il a honte à plaire
Il sait qu’on le méprise ou le traite à loisir
d’égarement qui flatte indûment le plaisir

Qui ne se divertit dans notre race humaine
Cette fuite permet l’oubli voire la peine
de devoir quelque jour quitter nos oripeaux
Il empêche de croire à l’éternel repos

*

Alors on s’étourdit On remplit sa besace
du tout venant des jeux Ils ne laisseront trace
sinon babil d’enfant secouant son hochet
lequel ignore encor le malheur d’être né

Seul l’artiste le sait Il travaille en secret
Sans rémunération sans douce volupté
il creuse au plus profond vers le divin sillon
des lambeaux de sa chair disperse à l’horizon

Tout divertissement lui est danger majeur
Le temps peut dévorer les élans de son cœur
Comme orphique sentence arrachée au néant
il cueille l’œuvre ingrate à l’amour défaillant

© fanFan, 6 février 2020

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