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Le lai de la montre

Depuis l’enfance dite tendre
sans l’avoir jamais pu comprendre
elle convoitait une montre
entrevue dans ses rêves Monstre
tout étoilé de diamants
Une musique étrangement
en émanait comme parfum
mais elle échappait à chacun
roulait invisible hors d’atteinte
mue par surnaturelle feinte
A quinze ans le cœur refusa
de courir toujours au-delà
vers un désir inextinguible
Cette montre devint la cible
de cauchemars adolescents
Elle n’y renonça pourtant
Lorsqu’à vingt ans se maria
la jeune fille, une hirondelle
en voletant passa près d’elle
En son bec la montre brilla
Quand elle eut des enfants la belle
en les berçant sur ses genoux
leur offrit des montres bijoux
mais sans l’éclat sans l’étincelle
entrevue autrefois dans celle
à jamais pour elle perdue
Quelquefois cependant sa vue
s’arrêtait sur la fleur ténue
effleurée du soleil levant
croyait aux perles de rosée
sa chère montre appareillée
Puis sa vie changea brusquement
La solitude lui venant
elle méditait davantage
Et son intime paysage
prit de nouveau la clef des champs
Pas d’autre lieu pour satisfaire
l’esprit qui ne savait se taire
lorsqu’un petit cadran d’argent
allait et venait, la narguant
La montre la suivait partout
la précédait faisait la roue
sonnait sur le pavé mouillé
Si de guerre lasse on tentait
tout de même de l’attraper
le fantôme alors se brisait
en mille éclats visibles à peine
ou bien semblable aux comédiennes
d’un dernier bond quittait la scène
devant sa main désemparée
Sa vieillesse vint pas à pas
et les os poreux pénétra
Toujours insensée cette course
ne s’achevait qu’à la Grande Ourse
jusqu’où la nuit voilait ses yeux
par un répit d’une heure ou deux
Un grand matin de faribole
la secoua de pensées folles
Il la lui fallait à tout prix
avant que soit close sa vie
Cette montre l’objet maudit
tant et tant d’années poursuivi
donnerait sens à l’infini
qui la talonnait sans merci
au bord crénelé de sa tombe
Un seul faux pas et elle tombe
se relève et retombe encor
juste à l’instant où son effort
abouti elle peut toucher
C’est un crâne creux édenté
Ah sa course contre la montre
C’est donc la mort qui lui démontre
l’inanité du Seul Désir,
Il s’effrite sans contenir
la mesure d’un temps qui vient
Ô licorne ô voies du destin
Trop tard pour changer de chemin
Au moment où tout doit finir
elle refermera sa main
sur une ruse du Malin

© fanFan