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À une vieille garde

Corps flasque qu’ont meurtri l’amour et les festins
Et le pesant fléau des minutes rapides,
Il est vrai que tes seins semblent deux outres vides,
Que ta jambe a maigri, que tes cheveux sont teints.

Mais honte à qui n’a pas admiré sous tes rides
Le squelette d’acier que t’ont fait les Destins,
À qui n’a pas goûté les plaisirs clandestins
Sous l’énervant contact de tes lèvres avides.

Idole fastueuse aux charmes malfaisants,
Éclatante d’émaux et de bijoux pesants
Et qu’ont peinte trois fois les habiles servantes..

Courtisane vieillie aux contours décharnés,
Nous honorons en toi les caresses savantes
Et ce corps qui lassa l’amour de nos aînés.

Paul-Jean Toulet, Premiers vers VI, 1889
Vers inédits

 

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