Fragiles

Nous étions presque devenus
(le temps d'une courte parenthèse enchantée) 
invincibles, infaillibles.

Nous ne sommes pourtant que des enfants terribles, irrascibles, incorrigibles !
Nous avions oublié que chaque instant donné est un présent qu'on prend, qu'on nous tend, et qu'un jour tôt ou tard on nous reprend et peu importe ce qu'on entend par ce "on" sidérant, mystérieux, confondant...
Nous nous crûmes industrieux pétrisseurs d'années glorieuses, dresseurs d'étoiles, sorciers vaniteux, confineurs de particules. 
Nous n'étions en vérité qu'animalcules, ridicules grenouilles aspirant boeufs, croissant, coâssant.
(toujours en quête d'une puissance, d'une croissance ou compétences)
Nous ne portions qu'une fragile attention
À l'étincelle
À l'oeuf qui se fêle
Au ver luisant
À l'horizon chancelant
À la vague roulante, émouvante et mourante.

Nous étions intouchables, fiers d'une race trans-animalière, nous nous croyions en somme immortels, éternels, trans-naturels
Or, il suffit d'un rien ou d'un tout, microbe ou bris de galaxie, pour que, d'un coup, nous qui sommes habituellement si vaillants ou si vains, vacillions sur nos chaussons d'airain, 
Au fond, seul l'infini ne ment pas et nous laisse seuls face à nos infondements.
Mais nous ne sommes qu'îles dans le vent, ailes dans le tourment, corps qui se nouent, se dénouent, éphémères conjugaisons de nos temporelles déclinaisons.
Qui donc d'yeux ou d'éteint-ciel, 
Se penchera sur nous ?

Dans notre dénuement
Nus,
Flammes d'âmes béantes,
Porte-lambeaux de joie miraculés des feux de l'Univers,
Amants aimants aidants, assoiffés de beauté, riant, pleurant, marchant, participants présents,
Nous ne sommes pas plus solides qu'un battement de cils,
Attention fragiles...

© Éric Lemière, mardi 28 avril 2020

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