De natura poetarum*

« Ombre portée » – en contrerimes – de quelques quatrains du recueil de François Cheng
Enfin le Royaume (Poésie/Gallimard, janvier 2019)

La nuit enténébrait la campagne harassée
par les moissonneuses sueurs
elle s'endort avec l'Ange des rêves le passeur
au fil des heures outrepassées

Quand la blanche page se transforme en alpage
que les moutons se réveillent
et que les lupilines appellent les abeilles
Alors les rimes sont d'estivage

Les fleurs de la colline sont sources des nuages
les nuages fontaines ubérales
des rêves qui se diluent en poèmes überall**
Fragrances florales d'âge en âge

Voici le mont brûlé par le soleil de midi
oblitérant l'ombre de l'aigle
roi planant sur les champs de proies et de seigle
les sublimés du paradis

Dehors aboient les chiens apeurés par les dieux
qui veulent du Rien faire le Tout
parcourant leurs errances d'ici jusqu'à partout
Aux vents des enfers et des cieux

La Beauté est rencontres paroles et poésie
regards d'un incassable miroir
souffle serein poussant effrois et désespoir
Aux horizons des amnésies

L'arbre donne le fruit la terre donne l'arbre
le ciel donne la terre don divin
soleil vent et nuages baisent les ceps et leurs vins
Ce sont lois gravées dans le marbre

Quand les mots tragiques transpercent les faibles chairs
leur silence hurle dans la nuit
dont les flammèches tremblent au soleil de minuit –
Ils désaltèrent  les phacochères.


© Philippe Perrot, le 16 avril 2020.
 

* Le titre est inspiré du « De Natura Deorum » de Cicéron (45 av. J.C.) 

**« partout'' » en allemand.

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