« Le jardin, la nuit »

Là, le jardin, et le ciel plein d’étoiles ; il fait froid. Le givre se dépose doucement et miroite faiblement sous l’éclat de la lune. La nuit est encore bien noire.

« Je savais que tu viendrais ce soir. J’ai entendu ton appel tout à l’heure, comme le murmure du vent qui porte les lointains, comme un chuchotement à l’oreille du souvenir... »

Je me lève, sans faire de bruit, la maisonnée est endormie. À travers le carreau de la fenêtre, on devine la vaste prairie qui s’étend jusqu’à la haie de lilas, tout au fond, là-bas...

« Je sais que tu perçois mon regard qui s’émeut de te savoir si près de moi... C’est drôle, tout à l’heure avant de m’endormir, tout me pesait : les tracas du quotidien, le poids des ans et tout ce qui appesantit l’âme au fil de l’existence...Tu sais, Yvette, elle ne va pas très bien en ce moment... »

« Tu ne dis rien, et pourtant ta présence silencieuse, là au cœur de la nuit sous le ciel sans nuage, suffit pour faire renaître l’espérance... celle de l’orée du jour, où tout s’éveille, où la journée à venir semble encore d’une durée infinie, où tous les possibles rejoignent ce rêve d’une vie ardente, lumineuse, en harmonie avec l’univers dans son exubérante fécondité, où l’échec cuisant de toutes les lassitudes du soir semble se dissoudre dans une éventualité si lointaine, qu’elle en paraît fictive, quasi illusoire... J’ai envie de voyager, de voir l’océan, de sentir la caresse du vent sur ma peau, la fraîcheur de la vague, le miroitement de l’eau sous le soleil d’été... le miroitement de l’eau sous le soleil d’été ».

Emmanuel Rey

© Emmanuel Rey