Je voudrais

À la femme qui tombe sous les coups d'un mari,
À l'enfant qui regarde le cœur meurtri,
À la main qui caresse et la main qui bat,
Je voudrais faire un geste mais qui suis-je ici bas.

À l'homme qui succombe de trop vouloir aimer,
Laissant vivre dans l'ombre une femme accablée,
À la mère qui pleure son enfant perdu,
À l'enfant qui demeure dans son silence aigu,

Je voudrais faire un geste mais qui suis-je ici bas.

Moi qui prends le métro
Chaque jour et chaque heure
Et qui n'ai dans mes mains
Qu'un passé de pantin,
Je vois dans leurs regards
La détresse et la peur,
Je vois dans leurs regards
La tristesse et les pleurs.

À l'homme qui s'endort sur un bout de trottoir
Rongé par tant d'effort le cœur rempli d'effroi
Espérant un sourire pour son dernier repas
Je voudrais faire un geste mais qui suis-je ici bas.

À la bombe qui tombe sans distinction de foi
Écrasant dans sa ronde la mosquée et la croix,
Au nom d'un monde libre, à la mère qui crève
À la mère qui délire de son enfant en terre

Je voudrais faire un geste mais qui suis-je ici bas.

Moi qui prends le métro
Chaque jour et chaque heure
Et qui n'ai dans mes mains
Qu'un passé de chagrin,
Je vois dans leurs regards
La détresse et la peur,
Je vois dans leurs regards
La tristesse et les pleurs.

Éveline Audard

© É. Audard