La mort de Rimbaud

Un jour j’étais Poète et les mots me parlaient.
Je regardais l’étoile au dedans de ma tête
Et tout était si clair, et tout se révélait...
Maintenant, les ténèbres... la parole est muette.

Un jour j’étais Poète... Je ou l’Autre, peut-être...
Les mots coloriés tendaient leurs phrases offertes,
Le monde entier passait auprès de ma fenêtre
Et je le saisissais de mes deux mains ouvertes.

Je pénétrais la trame des mots que je tissais
En impalpable fresque aux fils de harpe et eau
Où j’écoutais chanter les nuages... qui sait...
J’ai cisaillé les cordes de mon écheveau.

Oui ! Alliant la frêle harmonie des voyelles
Aux sons pleins et profonds des plus riches consonnes,
J’avais capté le chant de l’âme originelle
Et déchiffré sa voix que n’entendait personne...

J’éclaboussais mes mots d’odeurs, de bruits, d’images
Qui condensaient leur goût multiple en un seul sens...
Mage, je détenais le prodigieux langage
De l’Univers cristallisé dans mes essences...

Un jour
J’ai vu le jour tel qu’il est :
Quotidien.
Un jour
J’ai vu le monde comme il est :
Ancien.

Mes yeux se sont fermés à l’au-delà des choses.
Ma parole a tari son inutile glose.
Puis j’ai soufflé l’étoile consumant l’absence
Et j’ai éteint mes mots. Le noir et le silence.

Maryse Gévaudan

© Maryse Gévaudan