Années Le Chant du Monde et Odéon : 1947-1958

Début 1947, Léo signe son premier contrat avec un éditeur musical : Le Chant du Monde. Mis à part « La Chanson du scaphandrier », Ferré n'enregistre aucune des chansons sur lesquelles il cède l'exclusivité des droits au Chant du monde. Il envisage ces chansons comme un dépôt destiné aux interprètes.

Ferré n'est pas certain de vouloir chanter lui-même. Il le fait par nécessité, pour gagner sa vie.

Le 16 décembre 1950, il divorce d'Odette, qui ne serait pas fidèle (cf. Testament phonographe). Il avait rencontré Madeleine Rabereau, le 6 janvier 1950. Cette rencontre donne une impulsion nouvelle à sa vie et sa carrière.

Madeleine va le remodeler en ses choix artistiques (mise en scène et organisation du tour de chant) et pour son look.

En juin 50, Léo renouvelle son contrat avec Le Chant du Monde pour trois ans. Cette fois, le contrat concerne l'édition phonographique, Ferré va pouvoir enfin s'enregistrer.

Éditions La Mémoire et la mer (nouvelle édition de cette période)

En janvier 1951, il enregistre pour la radio « De sacs et de cordes », un « récit lyrique », interprété par Jean Gabin, Les Frères Jacques, Léo Noël, la cantatrice Laïla Ben Sedira ainsi que divers autres chanteurs et comédiens. Ferré dirige pour la première fois un orchestre symphonique et des chœurs.

De 1947 à 1954, Ferré produit et anime sur Paris Inter plusieurs cycles d'émissions consacrées à la musique classique. Dans Musique byzantine (1953-1954), il affirme avec une acuité polémique ses conceptions anti-modernes, épinglant en même temps l'assujettissement de la musique au mercantilisme industriel. En 1980 il reprend les thèmes de Musique Byzantine pour la Radio Suisse Romande.

En 1952, pour le concours Verdi à La Scala de Milan, il écrit le livret et la musique d'un opéra : La Vie d'artiste. Il abandonne l'écriture de ce type pour d'autres projets. Il en tirera néanmoins la chanson « La Chemise rouge » ainsi que la matière de la chanson « Miséria », intégrées toutes deux à son Opéra du pauvre (1983), et plus tardivement la chanson « Vison l'éditeur » (1990).

En 1953 Léo Ferré rejoint la maison de disques Odéon. En avril 1953, paraît le 33 tours 25 cm Paris canaille. Ferré y chante pour la première fois Guillaume Apollinaire avec « Le Pont Mirabeau ». La chanson « Paris canaille », chantée par Catherine Sauvage, est un succès. Pour Ferré, c'est la fin de la précarité, les interprètes qui l'ignoraient viennent à lui.

Il se consacre à la composition d'un oratorio sur « La Chanson du mal-aimé ». En décembre, le Prince Rainier de Monaco, qui assiste à son spectacle, lui propose de créer à l'Opéra de Monte-Carlo La Chanson du mal-aimé. L'œuvre est créée sous sa direction le 29 avril 1954 à l'Opéra de Monte-Carlo. La Symphonie interrompue, complète le programme. Diffusion par Radio Monte-Carlo le 3 mai.

À l'automne 1954, pour l'enregistrement de son second 33 tours 25 cm, Le Piano du pauvre, il signe tous les arrangements et dispose d'un grand orchestre qu'il dirige lui-même, pour des raisons sans doute liées aux coûts, Cette expérience restera sans lendemain jusqu'en 1971.

L'année 1955 est décisive pour Ferré. Il passe du cabaret au music-hall.

Les surréalistes André Breton et Benjamin Péret saluent ses talents de poète et le publient.

Ferré commence la rédaction de Benoît Misère, son unique roman.

Pour son premier recueil de poésies Poète... vos papiers !, Breton accepte puis refuse de faire la préface. Ferré l'écrit alors lui-même. Elle sera plus tard la source de sa chanson « Préface ». Dans ce texte Ferré s'en prend à l'écriture automatique et aux cénacles littéraires.

En 1957, centenaire de la publication des Fleurs du mal, Ferré fait paraître un album Les Fleurs du mal, devenant le premier chanteur à consacrer la totalité d'un disque longue durée à un poète.

Du 3 au 15 janvier 1958, sur la scène de Bobino. Il n'est plus « figé » devant son piano, il interprète désormais ses chansons en étant accompagné. Il sera désormais reconnu comme interprète.

1959, année de transition, Léo Ferré n'est plus lié par contrat à une maison de disques.

En janvier 1959, il entre en studio, où il réalise, accompagné par vingt musiciens la bande originale du film Douze heures d'horloge. Catherine Sauvage chante le titre générique « La Poisse » (Léo Ferré l'interprétera quelquefois sur scène, à Bobino en 1967 entre autres, puis l'enregistrera en 1990 sur l'album Les vieux copains).

En avril, il chante à la Mutualité et au Moulin de la Galette.

En septembre 1959, à la radio, Ferré interprète une première version de « L'Âge d'or » et déclare avoir durant l'été composé cinquante et une nouvelles chansons. Il va régulièrement être invité à la radio par le poète Luc Bérimont, qui anime l'émission hebdomadaire Avant-premières.

Durant l'automne, l'artiste achète le Fort du Guesclin, îlot situé entre Cancale et Saint-Malo. Pour concrétiser ce projet, il vend aux Éditions Méridian - son nouvel éditeur - les droits d'édition de cent cinquante neuf titres. C'est le début d'un amour-passion pour la Bretagne, qui lui inspire entre autres le long poème « Les Chants de la fureur », dans lequel il va puiser la matière de sept chansons, la plus célèbre étant « La Mémoire et la Mer », qui connaîtra elle même plusieurs versions de poèmes avant de donner la chanson.

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Serge Carbonnel, Léo Ferré : de multiples talents ! 4/7