Rien que vous

Oui ! j’ai rêvé de vous avant de vous connaître .
J'imaginais vos yeux, j'entendais votre voix.
Derrière un inconnu j’ai marché quelquefois, .
Ne voyant que son dos, je me disais : « peut-être ? »

Puis il se retournait pour siffler son vieux chien.
Un grand chapeau marron lui mangeait le visage
– Un de ces feutres mous qui classe un personnage –
Je murmurais alors : « Pas lui ! pas assez bien ! »

Le suivant était beau mais, dès la bouche ouverte,
Tellement ennuyeux, sans charme, sans esprit
– Pas de ceux, à coup sûr, avec lesquels on rit –
Que je le plantais là, l’œil noir, la mine verte !

Après ce fut cet autre en costume cossu. 
Il était affligé d'une affreuse moustache.
En plus, oh ! quelle horreur ! sur son nez cette tache !
« Hélas ! encor », me dis-je, « un bel espoir déçu ! »

Un soir que je flânais, solitaire amazone,
Par hasard je vous vis rêvasser sur un banc.
En croisant l’éclair bleu de votre regard franc,
Je sus que c'était vous, rien que vous... ou personne !

À cloche-cœur (2008)

© Lizy