Les masques

Ô canaux de Venise où tremble un clair de lune !
Racontez votre histoire aux masques renaissants,
Dans leur front couronné de fruits efflorescents,
Seuls vivent leurs grands yeux, verts comme une lagune.

Racontez-leur comment un bourreau fit pécune
En jetant du vieux pont des corps adolescents,
Que la vague emporta dans ses plis caressants,
Trop vite disparus pour lui tenir rancune.

À travers leur loup blanc que rien ne peut jaunir,
Des antiques fanaux, gardiens du souvenir,
Ils verront le feu morne éclairer l’onde glauque.

Et du lion de Saint-Marc jusques au Grand Canal,
Peut-être entendront-ils monter la plainte rauque,
Qui répandait la peur les soirs de Carnaval.

Nuits parnassiennes (2004)

© Lizy