Images et écrits mêlés

La langue de Maurice Scève ne peut se départager de la partie iconographique du recueil. L'œuvre étant conforme en cela aux idéaux humanistes de la Renaissance, mêlant intimement les écrits et les images et s'en démarquant tout à la fois : l'usage des emblèmes ne respectant pas strictement les normes en vogue depuis la publication des Emblèmes d'Alciat où chaque image se réfère à la mythologie ou à la Bible et s'accompagne d'une devise reprise et explicitée dans le poème qui lui appartient.

CV

« Mes forces de jour en jour s'abaissent. »)

Desir, souhaict, esperance, & plaisir
De tous costez ma franchise* agasserent
Si vivement, que sans avoir loysir
De se deffendre, hors de moy la chasserent
Deslors plus fort l’arbitre ilz pourchasserent,
Qui de despit, & d’ire** tout flambant
Combat encor, ores droit, or*** tumbant
Selon qu’en paix, ou sejour ilz le laissent.
Mais du pouvoir soubz tel faix succumbant
Les forces, las, de jour en jour s’abaissent.
Désir, souhait, espérance et plaisir
De tous côtés ma franchise* agacèrent
Si vivement que, sans avoir loisir
De se défendre, hors de moi la chassèrent ;
Dès lors plus fort l'arbitre ils pourchassèrent,
Qui de dépit et d'ire** tout flambant
Combat encor, ores droit, or*** tombant,
Selon qu'en paix ou séjour ils le laissent.
Mais du povoir sous tel faix succombant
Les forces, las ! De jours en jour s'abaissent.

* franchise : liberté       **ire : colère       *** ores ... or : tantôt ... tantôt

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Barbara Pillot, Maurice Scève, La Délie, invitation à un parcours poétique choisi, 2/7