La dame de l'automne écrase les feuilles mortes
Dans l'allée des souvenirs :
C'était ici ou là... le vent passe et emporte
Les feuilles de nos désirs.
Ô vent, emporte aussi mon cœur : il est si lourd !
La dame de l'automne cueille des chrysanthèmes
Dans le jardin sans soleil :
C'est là que fleurissaient les roses pâles que j'aime,
Les roses pâles au cœur vermeil.
Ô soleil, feras-tu fleurir encore mes roses ?
La dame de l'automne tremble comme un oiseau
Dans l'air incertain du soir :
C'était ici ou là, et le ciel était beau
Et nos yeux remplis d'espoir.
Ô ciel, as-tu encore des étoiles et des songes ?
La dame de l'automne a laissé son jardin
Tout dépeuplé par l'automne :
C'était là... Nos cœurs eurent des moments divins...
Le vent passe et je frissonne...
Ô vent qui passe, emporte mon cœur : il est si lourd !
Remy de Gourmont, Paysages spirituels, 1898