Quatre saintes
Catherine, Colette, Jeanne et Zite

Catherine,

Contemplatrice héroïque du Rêve,
Catherine que le démon battait comme la mer
Bat le sable innocent des dunes et des grèves,
Catherine visitée par Jésus familièrement
- Jésus venait chanter le psautier avec elle, -
Catherine au front orné du diadème sanglant,
Catherine pleine de larmes, pleine de charmes, pleine de songes,
Sainte Catherine, protégez nos âmes pleines de songes.


Colette,

Douloureuse beauté cachée dans la prière,
Colette, dure à son cœur et plus dure à sa chair,
Colette prisonnière dans les cloîtres amers
Où les colliers d'amour sont des chaînes de fer,
Colette qui pour mourir se coucha sur la terre,
Colette après sa mort restée fraîche comme une pierre,
Sainte Colette, que nos cœurs deviennent durs comme des pierres.

Jeanne,

Bergère née en Lorraine,
Jeanne qui avez gardé les moutons en robe de futaine,
Et qui avez pleuré aux misères du peuple de France,
Et qui avez conduit le Roi à Reims parmi les lances,
Jeanne qui étiez un arc, une croix, un glaive, un cœur, une lance,
Jeanne que les gens aimaient comme leur père et leur mère,
Jeanne blessée et prise, mise au cachot par les Anglais,
Jeanne brûlée à Rouen par les Anglais,
Jeanne qui ressemblez à un ange en colère,
Jeanne d'Arc, mettez beaucoup de colère dans nos cœurs.

Zite,

Sainte aux yeux doux, sainte en bonnet, sainte en sabots,
Zite dont l'oratoire était une cuisine,
Zite, qui pour marmitons avait les Anges du ciel,
Zite, bon cœur, bon feu, bonne soupe et bon gîte,
Zite aux mains rouges fleuries de menthe et d'estragon,
Sainte Zite, mettez la table où s'attable l'Amour.

Remy de Gourmont, extraits des Saintes du Paradis, 1898.