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Latif Pedram
Par Nicole Barrière
Soirée du 13 mai 2002

La première fois que j'ai entendu Latif Pedram, il parlait de la langue persane comme langue de résistance ; c'était le 7 octobre 2001, le jour où les bombardements américains commençaient sur l'Afghanistan.

La résistance c'est la vie de Latif, à la fois dans la réalité quotidienne de 23 ans de guerre, dans ses fonctions d'enseignant, de journaliste, d'essayiste, de directeur de bibliothèque, de poète et de porte-parole du Mouvement National pour le Congrès d'Afghanistan.

Il a 14 ans lorsque ses premiers poèmes sont publiés : c'est pendant l'occupation soviétique ; Latif s'est engagé tôt et il a maintenu cet engagement jusqu'à la dernière heure, jusqu'à ce qu'il soit obligé de partir il y a 3 ans.

À ce titre, il devenu un modèle, un sage que l'on consulte depuis l'Afghanistan.

Ne vous fiez pas à sa jeunesse, cet homme a vu, vécu ce que sans doute peu de personnes ont vu et vécu, mais il garde toujours sa discrétion et sa modestie d'homme ordinaire pour dire que d'autres ont vu et vécu pire peut-être.

L'écriture a été sa forme de résistance et de survie, mais peut-être plus encore l'idée, la vision et la fierté qu'il a de son pays. Alors on imagine vite son désespoir quand le destin de ce pays se trouve dans la ruine par la guerre et les différentes occupations, on imagine ce désespoir quand il voit les talibans arriver au pouvoir avec leur volonté de destruction, de réduction, de violence de la pire des dictatures.

Pourtant malgré cette situation ultime, il écrit : des essais, des poèmes, des lettres et c'est signe de son espoir, de l'idée qu'un jour ses textes seront lus, seront entendus et que pourra émerger l'idée de justice.

En postface du recueil Longue vie toi, marcheuse de l'impossible, Latif écrit « qu'il se sent protégé lorsqu'il lit ma poésie », j'ai pleuré parce que je ne mérite pas cet hommage, je lui ai répondu que dans l' ignorance, l'indifférence où les pays occidentaux sont restés face au drame d'Afghanistan, sa résistance et son combat nous ont protégés, nous, ici qui nous croyions à l'abri des dictatures...

J'ai souvent eu des réflexions sur « l'Afghanistan c'est loin. » ; lorsque j'écoute Latif parler de son pays, je sais que ce pays est proche, très proche, que les questions soulevées aujourd'hui dans ce pays sur la démocratie, sur la laïcité, sur l'éducation, sur la place des femmes et des minorités, sur la violence, sur la guerre, sur la domination et les enjeux géostratégiques sont aussi les nôtres ici en Europe et que nous ne pouvons pas faire semblant de les ignorer.

Ce qu'écrit et ce que dit Latif de l'Afghanistan nous concerne tous ici, maintenant.

L'œuvre de Latif est écrite en persan, certains textes ont été détruits, d'autres ont disparu ; peu de textes ont été traduits : des poèmes et des lettres. J'espère que d'autres seront traduits très vite.

La traduction et l'adaptation française sont de Guissou Jahandiri

Les poèmes:
Latif cela veut dire Tendre : il y a beaucoup de tendresse dans les poèmes de Latif, une émotion saisie en lisière de la pensée, une douceur qui sont la grandeur de l'homme et du combattant. Jamais Latif n'oublie la tendresse, elle est là comme une de ces forces qui permettent à l'homme de survivre, d'être humain, de préserver quelles que soient les circonstances la grandeur de l'être.

Lettres afghanes
Un pays entier peut-il vivre dans un camp de concentration ? Cette question nous hante lorsqu'on lit les Lettres afghanes de Latif Pedram

De 1979 à aujourd'hui, il a consigné dans ce reportage épistolaire le martyr de la population afghane : guerres, occupations, inquisitions, libérations. « nous avons créé une forme de littérature qui s'appelle “la littérature des chambres noires”. Elle ne se répand que dans l'obscurité ». Des lettres de Kaboul, puis d'autres régions et d'autres villes, jusqu'à Paris ; des lettres de réponse de ses interl

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