Version imprimable

Pauline et ses parents

Pauline était anglaise, née à Londres le 11 juin 1877, d'un père anglais et d'une mère américaine, qui s'était rencontrés à Honolulu. On verra que Pauline voyagera beaucoup... Elle n'aimera guère Londres, en tout cas lui préférera toujours Paris où ses parents s'installèrent un an après sa naissance, en 1878, dans un immeuble neuf de ce qui est actuellement l'avenue Foch. Et c'est en français qu'elle écrira presque toujours.

Le couple a une seconde fille en 1881. Pauline est inscrite dans une école privée. Alors qu'elle n'a que neuf ans, donc en 1886, son père meurt brusquement et c'est d'autant plus un grand malheur pour elle qu'elle supportera mal l'attitude pour le moins étonnante de sa mère vis-à-vis d'elle et de sa sœur, elle évoquera plus tard ce qu'elle appelait les « années malheureuses » qui suivirent la mort de son père...

Après la mort de mon père, écrit-elle à un ami, Amédée Moullé, j'ai été très malheureuse. Les années qui suivent sont arides comme le désert - les petits chagrins, les petites humiliations, les petites tyrannies...

Certes, on a retrouvé une lettre écrite à sa mère, plutôt chaleureuse et pleine d'affection, comme le montrent les courts extraits suivants :

Ma chère jolie Maman,
J'espère que tu te plais à Cannes, avec l'air frais de la mer, les belles fleurs qui sentent si bon et les fruits délicieux. [...] Avant-hier nous avons eu une matinée, j'aurais bien voulu que tu fusses là. Je te remercie tendrement pour ta merveilleuse lettre, qui m'a bien réconfortée.

Il s'agissait d'une matinée de théâtre amateur. Après la description de celle-ci, Pauline conclut ainsi :

Je voudrais pouvoir t'embrasser une bonne fois, comme je t'envoie mon amour et mes baisers dans cette lettre écrite.
Ta fille affectionnée,
Pauline Mary Tarn.

Oui, c'est affectueux, mais cette lettre date d'octobre 1886, le mois même de la disparition de son père... Apparemment Pauline dut déchanter par la suite.

En fait, il est probable qu'elle fut décontenancée par la liaison tapageuse entamée par sa mère avant la mort de John Tarn avec un Anglais marié. Et ce qui est sûr, c'est que Mme Tarn n'eut pas une attitude très digne par rapport à ses enfants : des tuteurs avaient été commis au soin de veiller au bon emploi des sommes laissées par le père et destinées à leur entretien, or il est établi qu'elle détourna à son profit une partie de cet argent. Et l'entretien en question laissa peu à peu fortement à désirer.

Pauline poursuit ses études dans un pensionnat. En 1890, à son grand dam, la famille se réinstalle à Londres où de nouveau un pensionnat l'accueille. Pauline a treize ans, c'est aussi l'époque des premiers voyages, en Suisse et en Norvège avec sa mère, juste avant la réinstallation à Londres, en Italie l'année suivante avec une certaine tante Marie, probablement une amie de la famille. Les relations entre la mère et la fille s'améliorèrent nettement à partir de 1892, à la suite d'une intervention d'un des tuteurs alertés par Pauline. Il y eut encore des moments de crise. En 1895, à 18 ans, à Londres, Pauline est enfermée dans sa chambre, s'échappe et fait une fugue de six jours. Elle apprend que sa mère veut la faire enfermer de nouveau, cette fois, dans une maison de santé, pour pouvoir capter l'héritage. Par décision de justice, Pauline Tarn est déclarée « Pupille de la Cour de Chancellerie » et reçoit la moitié de l'héritage. L'autre moitié va tout de même à Mme Tarn... Les relations redevinrent plus normales par la suite. Pauline fera plusieurs séjours chez sa mère à Londres puis aux Etats-Unis.

Sa courte vie d'adulte peut se résumer en quelques mots : avec les hommes, quelques amitiés fortes, ambiguës parfois ; avec les femmes, amours tumultueuses ou passagères ; pour sa famille, fréquents allers et retours à Londres ; pour elle-même, très nombreux voyages en Europe, Italie et surtout Grèce, à Mytilène (alias Lesbos), bien sûr, et jusqu'au Japon. En même temps, un intense travail littéraire entre 1901 et 1909, création, corrections, publication, remise en chantier d'œuvres publiées... Et puis des tentations de suicides, et, avec du chloral, quelques tentatives ratées, des moments de mondanités littéraires et arrosées de cocktails inédits chez elle à Paris, et puis, l'alcool en solitaire, de plus en plus dans les deux dernières années, et enfin l'abjuration du protestantisme et la conversion au catholicisme huit jours avant sa mort, à 32 ans, le 18 novembre 1909.

Dans les parties suivantes, en relation avec son œuvre, nous évoquerons ses voyages, ses fortes amitiés et les femmes aimées, ses inspiratrices.

PrécédentSuivant