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Fanon interprète

C’est en 1956 qu’apparaissent pour la première fois des chansons de Fanon sur un disque, un disque de Pia Colombo, évidemment. Il n’a commencé à chanter lui-même dans les cabarets de la rive gauche, le Port du Salut surtout, qu’au début des années 1960 (des cabarets à Paris, il y en avait encore beaucoup, Léo Ferré, pour qui Fanon avait une grande admiration et qu’il a surnommé « Léo de Hurlevent » dans une chanson à lui entièrement consacrée, en avait dénombré 97 à ses débuts vers 1950 !). Certains futurs grands ou grandes de la chanson, Moustaki, Gréco par exemple, étaient sceptiques sur ses chances de succès : moyens vocaux relativement réduits, sens du rythme et bagage technique insuffisants... Son arrangeur, Oswald d’Andréa, n’y croyait pas mais déclara plus tard qu’il avait eu tort.

C’est que Fanon compensait son manque de moyens par une grande conviction, la présence en scène et ce que Georges Moustaki a appelé très heureusement un « lyrisme gestuel [et] vocal ». Finalement, il mettait remarquablement en valeur ses bonheurs d’expression, ses formidables raccourcis, ses habiles reprises de mots, son agilité prosodique. Malheureusement, son addiction à l’alcool et son manque de sérieux l’ont mis trop souvent hors d’état de se montrer à sa propre hauteur. Catherine Sauvage et Juliette Gréco, en particulier, le jugeaient sévèrement sur ce point.

© P. Blavin
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